vendredi, février 13, 2009

Le Dr Jean-Paul Ortonne (chef du service de dermatologie au C.h.u. de Nice) nous commente les résultats encourageants obtenus avec un anti-T.n.f. alph

16 Octobre 2008 - 13:52
Le Dr. Jean-Paul Ortonne.

Le Dr Jean-Paul Ortonne (chef du service de dermatologie au C.h.u. de Nice) nous commente les résultats encourageants obtenus avec un anti-T.n.f. alpha, dans le traitement du psoriasis (résultats présentés lors des dernières Journées de dermatologie de Paris).
Match Santé

Rappelez-nous les grandes caractéristiques du psoriasis ?

Il s?agit d?une maladie chronique inflammatoire, impliquant l?immunité et évoluant par poussées avec des phases de rémission. Cette pathologie, fréquente puisqu?elle touche en France près de 4 millions d?individus, se manifeste, dans 80 % des cas, par des plaques rouges recouvertes de squames. Celles-ci peuvent être localisées ou s?étendre sur toute la surface du corps. Dans 5 à 10 % d?autres cas, la maladie se déclare sous forme de rougeurs couvertes de pustules. On parle alors de ?psoriasis pustuleux?. Et dans d?autres cas (surtout chez l?enfant) les manifestations cutanées apparaissent sous forme de gouttes.

Quelles sont les conséquences néfastes de cette maladie ?

Chez 70 % des patients, les plaques génèrent de terribles démangeaisons, extrêmement pénibles et gênantes dans la vie courante. La plupart du temps, ces rougeurs entraînent aussi un problème esthétique car le psoriasis se voit. Autre conséquence fâcheuse, l?imprévisibilité de la réapparition des plaques induit un stress majeur.

Un psoriasis peut-il entraîner d?'autres problèmes associés ?

Oui, je vous cite deux exemples: 30 % des malades souffrent aussi d?un rhumatisme psoriasique induisant des déformations articulaires, le plus souvent aux mains. D?autres sont atteints de troubles psychiques et développent un syndrome dépressif.

Jusqu?à présent, comment traitait-on classiquement un psoriasis ?

Les traitements diffèrent selon la sévérité de la maladie. 1 Pour les formes mineures (psoriasis localisé sur moins de 10 % de la surface du corps) on prescrit généralement des applications locales de pommade, crème ou lotion contenant soit des corticoïdes, soit des analogues de la vitamine D3 ou encore des rétinoïdes. Ces produits efficaces, qui ont l?avantage de ne pas induire d?effets secondaires, ont en revanche l?inconvénient de tacher ou de dégager une odeur désagréable. 2 Pour les formes modérées à sévères (où le malade est atteint sur plus de 10 % de sa surface corporelle) on commence par prescrire habituellement de la photothérapie, c?est-à-dire des séances d?ultraviolets artificiels. Ces rayons détruisent les cellules immunitaires anormalement présentes dans la peau qui sécrètent des substances inflammatoires. Avec ce traitement, on obtient une régression des plaques mais on ne guérit pas le psoriasis et, malheureusement, les malades ne peuvent recevoir indéfiniment des U.v. qui risquent d?être cancérigènes.

Et lorsque vous ne pouvez plus prescrire de séances de photothérapie ?

Nous disposons alors de trois différentes familles de médicaments. La première est constituée par des rétinoïdes (dérivés de l?acide rétinoïque), produits oraux qui modifient certaines cellules de l?épiderme, les kératinocytes (lesquelles se multiplient anormalement au cours du psoriasis sous l?influence des cellules immunitaires déréglées). Ce traitement qui a une efficacité modérée entraîne malheureusement des effets secondaires: il dessèche la peau, les muqueuses, les yeux et augmente le taux des triglycérides et du mauvais cholestérol. La deuxième famille est composée de médicaments qui vont détruire les cellules nocives de l?épiderme mais malheureusement aussi des cellules saines. La troisième famille comporte des immunosuppresseurs qui, là encore, ont une efficacité importante mais risquent d?induire une hypertension artérielle ainsi qu?une destruction rénale.

Tous ces effets secondaires ont donc incité les chercheurs à mettre au point un nouveau traitement... En quoi consiste la toute dernière approche contre le psoriasis ?

Depuis sept ou huit ans, plusieurs équipes de scientifiques ont tout particulièrement étudié la cascade de dérèglements qui, à l?intérieur de l?organisme, conduit à l?apparition d?un psoriasis, et sont parvenues en grande partie à la décrypter. Ils ont découvert notamment que, pour arriver à un résultat, il faut absolument arrêter à son tout début cette chaîne d?événements: en bloquant certaines molécules impliquées, dont la plus importante est la T.n.f. alpha qui entraîne l?inflammation de la peau et des articulations. Après de nombreux essais, ils ont réussi à démontrer qu?en neutralisant cette molécule, on stoppe le phénomène inflammatoire du psoriasis. Le médicament capable de bloquer ce processus, l?infliximab, est déjà sur le marché, généralement prescrit pour lutter contre les rhumatismes inflammatoires. On l?a donc testé pour traiter le psoriasis en l?administrant (à l?hôpital) par perfusions de deux heures. Le protocole se déroule en plusieurs séances: deux perfusions à quinze jours d?intervalle, puis une troisième un mois plus tard. Ensuite il s?agit d?un traitement d?entretien avec une perfusion toutes les huit semaines.

Quels résultats a-t-on obtenus ?

Les essais les plus récents, effectués en Amérique du Nord et en Europe, conduits sur des milliers de patients, ont démontré une efficacité similaire et très rapide du traitement: à six semaines, 60 % des patients et 80 %, à dix semaines, ont une amélioration de plus de 75 %. Ces résultats ont été jugés impressionnants. Environ un an après le début du traitement, plus de 60 % des patients traités conservent une amélioration de 75 %. On a aussi évalué l?évolution positive sur la qualité de vie de tous ces sujets d?étude: la majorité a retrouvé une existence normale. Pour la première fois on a constaté chez les sujets atteints de rhumatismes psoriasiques une amélioration spectaculaire.

Ce traitement par anti-T.n.f. risque-t-il d?entraîner des effets secondaires ?

Comme il s?agit d?immunosuppresseur, ce produit peut induire certaines infections... réactiver par exemple une tuberculose ancienne, d?où la nécessité, avant d?administrer le médicament, d?interroger rigoureusement le patient sur ses antécédents pulmonaires.