mercredi, mai 13, 2009

Obituaries: Trajan Popesco chef d'orchestre

C’est en Roumanie, le 1er août 1920 à Florica (département de Buzau) que voit le jour Trajan Popesco. Destiné par ses parents à rentrer dans les ordres, âgé d’une dizaine d’années il entre au Séminaire de Buzau et en raison de ses prédispositions naturelles pour la musique il est choisi comme chantre, avant que lui soit confié plus tard la direction de la chorale. A 16 ans il se retrouve ainsi à la tête d’un ensemble composé d’une centaine de choristes, avec lequel il acquiert une parfaite connaissance de la musique byzantine. Ses études secondaires terminées et son baccalauréat obtenu, il se rend à Bucarest pour y poursuivre ses études théologiques et entreprendre de sérieuses études musicales à l’Académie royale de musique. Dans cet établissement, il a notamment pour professeur de classe chorale et de composition Stefan Popesco, un ancien élève de Vincent d’Indy à la Schola Cantorum qui venait de fonder en 1924 l’Ecole des Hautes Etudes Musicales de Bucarest. Sa licence de théologie et ses diplômes de musique en poche, au lendemain de la Seconde Guerre (1946), il vient en France comme maître de chapelle de l’Eglise roumaine (culte orthodoxe) de la rue Jean de Beauvais à Paris 9e. D’autres grands musiciens roumains l’avaient précédé dans ce poste, parmi lesquels : Kiriac, Stefan Popesco (son professeur au Conservatoire de Bucarest) et Kiresco. L’année suivante, au moment du triomphe du parti communiste en Roumanie qui amena l'abdication du roi Michel Ier (30 décembre 1947) et la séparation de l’Eglise et de l’Etat, il décide de rester en France, dont il adoptera la nationalité en 1958, et choisit définitivement la musique. Il perfectionne ses études musicales au Conservatoire de Paris où il travaille avec Noël Gallon (contrepoint et fugue), Henri Challan (harmonie), Tony Aubin (composition) et la direction d’orchestre avec Eugène Bigot, dans sa classe "Section spéciale étrangers" toute nouvellement créée par Claude Delvincourt, puis dans celle de Louis Fourestier où il décroche un 1er prix en 1956. Parallèlement il participe à des stages internationaux de jeunes chefs, notamment en Hollande, en Italie et en Allemagne, où il travaille avec Paul Van Kampe. En septembre 1955 à Besançon il remporte un prix au 5° Concours international de jeunes chefs d’orchestre, dans la catégorie "professionnels". Durant ses études au Conservatoire, avec les meilleurs éléments de cet établissement il fonde un orchestre et une chorale qui porte son nom et qui seront plus tard ouverts également aux musiciens professionnels venus d’autres horizons. Réputées, ces formations se produisent en concerts, notamment aux Concerts spirituels de la Sainte-Chapelle pendant le Festival de Paris et à la Radio. Peu après, venant d’être nommé (1955) maître de chapelle de l’église Saint-Germain des Prés, Trajan Popesco crée les séries de "Concerts spirituels à Saint-Germain-des-Prés" (6 à 8 concerts par an). De grandes œuvres sont données, au cours desquelles, en tant que chef d’orchestre, il montre une grande précision technique et "une haute intelligence musicale". Parmi celles-ci, notons les plus significatives : de nombreuses œuvres de Bach, Missa Solemnis de Marc-Antoine Charpentier, Messie de Haendel, Dies irae de Jean-Chrétien Bach, Requiem de Brahms, Te Deum de Bruckner, 9e Symphonie de Beethoven, Requiem de Fauré, sans omettre des incursions dans le répertoire contemporain comme le Te Deum d’Henri Barraud, La Quête de Saint Graal (oratorio pour alto et basse solo, chœurs et orchestre) de Philippe Sagnier, La Voix du Christ (cantate pour ténor solo, chœur et orchestre) d’Armande Freson (création de ces deux dernières oeuvres le 26 février 1971). Parmi les très nombreuses manifestations données par l’Association des Concerts de Saint-Germain des Prés, devenue plus tard l’Association des Concerts Pro Musica de Paris, dirigées par Trajan Popesco et qui firent la joie des mélomanes parisiens durant 36 ans, citons ceux des 30 novembre et 4 décembre 1972 à l’église de la Trinité et à celle de la Madeleine (Messe en si mineur de Bach et des œuvres de Mozart), avec les Chœurs de la Trinité, le Tübingen Kantaten Chor, l’Orchestre de l’Association des Concerts de Saint-Germain des Prés, Elisabeth Havard de la Montagne au clavecin et le concours à l’orgue d’Olivier Messiaen. Avec son Orchestre Symphonique "Pro Musica", il accueillit souvent de grands interprètes, notamment Reine Gianoli, le 29 mai 1973 à la Salle Pleyel (Ouverture du Songe d’une nuit d’été de Mendelssohn, Concerto pour piano de Schumann et 7e Symphonie de Beethoven).

En 1956, Trajan Popesco est nommé professeur d’orchestre et ensemble vocal à l’Ecole Nationale de Musique de Nantes (futur CNR), alors dirigé par René Audoui. Il y enseignera durant près de vingt ans. En 1959, il fonde l’Orchestre de chambre de Nantes, dont il assure la direction pendant plusieurs années, tout en continuant de diriger à Paris les Chœurs et l’orchestre "Pro Musica", avec lesquels il se produit en concerts très souvent jusqu’ à la fin des années 1980. L’Orchestre philharmonique de Versailles, qu’il fonde plus tard, en 1977, et qu’il dirige jusqu’en 1997 lui apporte également de grandes satisfactions professionnelles et rapidement, cette phalange va être considérée comme l’une des meilleures formations symphoniques de la région ouest de Paris, couvrant un vaste répertoire de Mozart à Gerswin, en passant par Berlioz et Ravel. Ses rapports avec les musiciens seront toujours excellents, son premier soucis étant de les mettre à l’aise, considérant qu’"il est beaucoup plus difficile de s’imposer humainement que musicalement" et que l’"on ne s’impose pas par la force [car] il faut capter toutes les personnalités de l’orchestre pour en faire un instrument." C’est sans doute grâce à cet état d’esprit que Trajan Popesco se fit toujours accepter et aimer des nombreux musiciens des orchestres qu’il eut l’occasion de diriger tout au long de sa carrière. Parallèlement à celle-ci, il n’abandonna jamais la musique religieuse, démontrant ainsi son vaste horizon musical, étendu et varié. En effet, après avoir exercé à l’Eglise roumaine de Paris puis à Saint-Germain des Prés, en 1970 il sera nommé maître de chapelle de l’église de la Sainte-Trinité à Paris 9e, poste qu’il occupe durant une quinzaine d’années jusqu’en 1987. C’était l’époque où Olivier Messiaen tenait le grand-orgue et Léon Souberbielle l’orgue du chœur.

Trajan Popesco a peu enregistré. On lui doit néanmoins d’avoir gravé, en 1963 chez Charlin (AMS 36), la Messe à 8 voix et 8 instruments (H.3) de Marc-Antoine Charpentier avec son ensemble vocal et celui de Bernard Baron, l’Orchestre de chambre de l’ORTF et Michel Chapuis à l’orgue. Notons également plusieurs disques parus chez le Studio S.M., parmi lesquels : "La Liturgie de Saint Jean Chrysostome" (S.M. 33-52) qui fit dire à René Dumesnil dans Le Monde : "Ces chœurs sont d’une pureté remarquable et d’un intérêt très grand, aussi bien au point de vue de leur valeur musicale que du point de vue documentaire." -enregistré à la fin des années cinquante, le Studio S.M. a réédité ce disque sous forme de CD voilà une dizaine d’années- ; "Folklore Roumain" (S.M. 33-56) pour lequel Yves Froment-Coste, dans Radio-Cinéma écrivait : "Voici l’un des plus admirables disques de folklore qu’il m’ait été donné d’entendre. La chorale Trajan Popesco, aux voix merveilleusement fondues, est tour à tour tendre, alerte, naïve, mélancolique, vibrante et infiniment douce. Cette remarquable interprétation est servie par une réalisation technique impeccable… " ; "Vendredi Saint à Saint Julien le Pauvre : Office de l’Epitaphios" (S.M. 33-59), ainsi que des "Chants des églises orientales" (rites maronite, arménien, chaldéen, syrien, byzantin grec, byzantin roumain et byzantin russe) parus quant à eux chez Harmonia Mundi (HMO 30528).

Retiré avec son épouse à Vichy depuis 2002, c’est là que Trajan Popesco est décédé. A l’issu de la messe de funérailles célébrée le 28 septembre en l’église Notre-Dame de Versailles, il a été inhumé dans le caveau familial du cimetière des Loges-en-Josas (Yvelines) auprès de son fils Christian Popesco, violoniste, mort à l’âge de 30 ans en 1991. Il laisse 3 autres enfants, dont Marie-Monique Popesco, harpiste, chef d’orchestre et professeur au CNR de Limoges (1er prix de harpe et de musique de chambre au CNSMP). Antoine Goléa avait un jour dit de Trajan Popesco : "Il a bu aux sources de notre culture avec une ferveur que je souhaite à beaucoup, mais qui n’est donnée qu’aux meilleurs…"
Concert-hommage à Versailles